FlatPress My FlatPress blog FlatPress Admin 2024 2024-12-04T06:44:59+00:00 Admin ~/ IN MEMORIAM FIROZ ~/?x=entry:entry191207-130705 2019-12-07T13:07:05+00:00 2019-12-07T13:07:05+00:00

IN MEMORIAM FIROZ
         Firoz Ghanty 15.jpgOn a lié connaissance dans les années 69/70 à la galerie Max Boullé à Rose-Hill où son frère Ismet était préposé aux expos. Le comportement gémellaire de ces deux frères intriguait et on ne parlait d´eux que des frères Ghanty…J´habitais alors non loin du Plaza et l´on se rencontrait parfois là, dans la galerie Max Boullé, pour échanger nos appréciations critiques des expos en cours, et débattre sur les grandes idées qui bouleversaient le monde de l´art de ces années 60 et du glissement de paradigme que l ´on traversait et que les historiens de l´art nommeront désormais « art contemporain » : Dada, néo-dada, Pop-Art, les concepts de Joseph Beuys…
          j ´ai peu de souvenirs de l´ensemble des œuvres de Firoz de cette époque, mais les quelques expérimentations qui retenaient jadis mon attention affirmaient une approche conceptuelle qui refusait ostensiblement la démarche esthétique. Le parti pris d´un contenu théorique subversif conformément à l´esprit contemporain le situait ainsi en rupture avec l´art moderne consensuelle de l´ère coloniale. Les prémices de la postcolonialité étaient ainsi amorcées, penserait-on…
        Or notre commune participation à une exposition collective dont il a été commissaire fin 80 à Bruxelles et plus tard sa collaboration au projet de Gunther Uecker à Düsseldorf étaient des manifestations artistiques conventionnelles bon enfant, sans piège subversif, sans revendication post coloniale…bizarre !
        N ́ayant eu qu ´une seule fois l´occasion de voir un ensemble significatif de son travail en 01.08.2012, je n ́ai qu ́une image incomplète  de son parcours. En revanche je me rappelle vivement nos débats d´idées, et certains parti pris conceptuels qu ´il défendait…la pertinence de sa vision géopolitique de notre aire culturelle qu ´il articulera exhaustivement au cours de notre long dialogue quelques jours avant l´expo à Port-Louis m´avait impressionné. L´entretien chez lui à Rose-Hill se déroula sans encombre, à la lettre près conforme à mes attentes. Il était l´interlocuteur idéal. La trame plus ou moins spontanée de mon questionnaire explorait le contexte social et symbolique de la création en évitant toutefois de se focaliser sur l´oeuvre. Le concept de l´ouvrage de référence que  j ´abordais privilégiait la personnalité/présence du plasticien dans son univers de création, l´atelier.
        L ́oeuvre du plasticien était curieusement absente dans son lieu de vie… Du moins j ́en avais l ́impression. Rien dans le décor intérieur n  ́accrochait l ́attention. S ́il y avait des travaux de Firoz dans le living, ils étaient sans doute fondu dans l ́environnement comme ces papillons aux ailes déployées qu ́on ne voit pas sur le tronc des arbres.
        Même impression dans l ́atelier, à quelques pas de la maison où l ́on poursuivra notre dialogue. La création de l  ́artiste ne s ́impose pas au spectateur, malgré l ́érotisme un peu pubertaire de certaines pièces. Les œuvres sur papier de format oblong sont présentées à la chinoise entre deux tringles de bois, permettant l ́enroulement…
        J´ai relu ce matin le texte qui recueille l´essentiel de nos trois heures d´entretien. Ses réflexions sont encore très percutantes, dommage qu ´elles soient encore inédites… Et j´ai revisionné avec une pointe de nostalgie les photos de cette belle exposition dans une maison coloniale de Port-Louis nouvellement restaurée.   
         Adieu l´artiste !

SAKILI ~/?x=entry:entry190617-112434 2019-06-17T11:24:34+00:00 2019-06-17T11:24:34+00:00

IMG_3587.jpgIMG_1110.jpgSAKILI, PORTE-VOIX IDENTITAIRE DE RODRIGUES ET DE LA CRÉOLITÉ DES ILES DE L`OCÉAN INDIEN

           Il fait très chaud ce mercredi 5 juin à Dusseldorf. C’est à croire que SAKILI aurait fait le long voyage intercontinental avec ces hirondelles qu’on voyait dans le ciel bleu de Dusseldorf-Bilk ce jour là et nous apportait le beaux temps en prime. Fraîchement débarqués d’une “île-point”,  terme qu’emploie notre poétesse Jeanne Gerval-Arouff pour ennoblir la petitesse de nos îles dispersées dans l’immensité de l’océan indien, le trio rodriguais affronte avec brio la première européenne à Dusseldorf, chef-lieu de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, ma ville d’adoption depuis un demi siècle. L’auditoire de la Jazzschmiede, la plus grande salle de concert de jazz de la région, est d’emblée conquise par la singularité et l’exubérance d’une musique qui impose la marque identitaire. Le public de la Jazzschmiede  accoutumé à l’authenticité de ce qu’on classifie sommairement  musique du monde  a peut-être eu du fil à retordre à localiser Rodrigues sur Google Earth et à imaginer sur cette “île-point” des antipodes un peuple dépositaire d’une culture musicale d’une telle originalité. Mais il comprend très vite au cours de l’événement du concert pourquoi Le Séga Tambour de Rodrigues a été ajouté en 2017 par l’UNESCO aux listes du patrimoine culturel immatériel de l’humanité …
           La tournée organisée par Percy Yip Tong présente SAKILI dans onze grandes villes rhénanes, faisant un saut outre-rhin à Bruxelles et à Nijmegen en Hollande…
          J’ai eu le privilège de rencontrer nos quatres protagonistes tout à fait par hasard une heure avant leur première représentation à la  Jazzschmiede qui se trouve à une encablure de mon domicile à Dusseldorf-Bilk… Les 3 musiciens : Vallen Pierre-Louis, Ricardo Legentil, et Francis Prosper prenaient le frais sur les marches du bâtiment jouxtant la salle de concert, Percy se joindra ensuite au groupe et c’était l’occasion rêvée pour moi de prendre des photos et de faire ample connaissance avec les compatriotes. Il s’avéra vite qu’ils connaissent tous les Rodriguais rencontrés pendant mes derniers séjours en2012 et en 2018 dans l’île. Comme de bien entendu! Ils connaissent aussi les trois plasticiens rodriguais que j’ai interviewés à deux reprises pour les besoins de l’ouvrage de référence sur l’art contemporain de notre peuple et qui prend de la poussière dans les tiroirs du ministère de la culture à Port-Louis. Quel gâchis ! 
          Avec l’engagement de Percy, qui, sans réel soutien du ministère de la culture, galère pour valoriser outre-mer le patrimoine immatériel de Rodrigues reconnu par l’UNESCO, on se demande s’il n’est pas grand temps pour les arts plastiques de procéder de la même façon, de créer dans le secteur privé les infrastructures de sa propre promotion et de renoncer une fois pour toutes à l’appui d’un lourd fonctionnariat ministériel plus soucieux du culte que de la culture…problématique trop complexe pour être abordée ici…
          La culture rodriguaise peut s’enorgueillir d’avoir su préserver l’authenticité d’un héritage que l’UNESCO reconnaît à juste titre comme patrimoine immatériel de l’humanité. Les vestiges d’une telle tradition à Maurice, encore perceptibles jadis, du temps de P’tit Frère, périclitent hélas, phagocytés par la modernité. SAKILI, comme pour rappeler cette perte, rend un vibrant hommage à P’tit Frère en interprétant sur la scène de la Jazzschmiede une excellente version de PAPIDOU, séga emblématique d’un temps révolu… La réflexion sur cet HERITAGE bafoué, occulté, minoré engendrera peut-être un jour le socle d’un nouveau souffle culturel et inspirera les arts plastiques… Le film réalisé par Pierre Argo paru sur YouTube et inclu dans un profil de Sakili publié en Allemagne dans Klangkosmos , Musik der  Welt nous rappelle toute la signification de ce phénomène culturel.
http://www.klangkosmos-nrw.de/detailsprofil_58152.html
          Le trio Sakili vit dans un quartier calme de la capitale, nous apprend le texte explicatif de KLANGKOSMOS. Vallen Pierre Louis est un banjoïste connu et respecté à Rodrigues. Prosper appartient à l’ un des principaux clans de musiciens de l’île. Il est incontestablement le meilleur percussionniste traditionnel de Rodrigues. Il est aussi la voix puissante avec un timbre qui caractérise Sakili. Le troisième membre, Ricardo Legentil joue de l’instrument de mélodie emblématique  de l’île, l’accordéon. Le répertoire et les subtilités de la technique de jeu s’hérite dans la famille de père en fils depuis plusieurs générations   La musique de Sakili documente en quelque sorte l’histoire (culturelle et psychique) de l’île chahutée entre les influences européennes et africaines : valse, polka, mazurka, et des airs écossais se mélangent harmonieusement avec les rythmes de Sega et le tambour traditionnel des esclaves africains d’antan. 
          La mondialisation suit  son cours dans les confins de l’océan Indien et efface les traces, mais cette musique résiste , elle est un narratif imaginaire de rencontres culturelles de l’histoire coloniale de Rodrigues…et par extension, des Mascareignes. ©
Serge Gérard Selvon
Plasticien, théoricien de l’art
40217Dusseldorf, Allemagne 
https://www.sergeselvon.de

HARALD SZEEMANN À DÜSSELDORF ~/?x=entry:entry181025-083816 2018-10-25T08:38:16+00:00 2018-10-25T08:38:16+00:00

IMG_1972.jpgIMG_1923.jpgHARALD SZEEMANN
MUSEE DES OBSESSIONS
13. Octobre 2018 - 20. Janvier 2019

Le décryptage de L´ART CONTEMPORAIN est à peine concevable sans les interventions spectaculaires orchestrées par ces médiateurs/animateurs/ promoteurs que l’on´ nomme désormais CURATOR et dont la raison d́’être statutaire en constante mutation échappe à la définition.
Le charismatique Harald Szeeman, figure majeure de l´histoire de l´art contemporain, se définissait lui-même comme “Ausstellungsmacher“, faiseur d ́expo. Il se considérait davantage comme un magicien/chaman/conjureur que comme un“CURATOR“ car il s´avouait volontairement factotum cumulant les charges d´archiviste, de conservateur, de marchand d´art, d´agent de presse, de comptable, et de complice des artistes. 
À la première question de Nathalie Heinich dans un petit livre d ́entretiens: “Quand vous devez indiquer votre profession, qu´est-ce que vous dites?“ la réponse de Szeeman est un condensé du personnage: “ - je dis: c´est l´Agence pour le travail spirituel au service d´une possible visualisation d´un musée des obsessions. Parce qu´un musée des obsessions, on ne peux pas le faire, ćest un musée dans la tête…Donc, tout ce que je fais, ce sont des rapprochements par rapport à une chose que l´on ne peux pas faire…“ 
J’ai eu le privilège d´étudier de près plusieurs de ses exercices de haute voltige intellectuelle en Allemagne, ces expo-spectacles dont il avait le secret et que des épigones, toujours à l’affût, ont vite fait d´intérioriser. Sa vision innovatrice de la discipline curatoriale a fait école. Son coup de maitre a été :“When Attitudes Become Form: Live in Your Head“ , couramment associé à la montée en puissance de l´art conceptuel en Europe et dans le monde. Sa version du Documenta en 1972 consacrera des artistes comme Richard Serra, Bruce Nauman, Rebecca Horn et inclura pour la première fois, conjointement aux médiums traditionnels, des installations, des performances, des Happenings et des Events qui dureront 100 jours comme l`“Office for Direct Democracy“ de Joseph Beuys. 
(Extrait de VISITE D`ATELIER, Serge Selvon-2013, Ouvrage inédit©)

HARALD SZEEMANN. Le grand événement culturel de la saison à Dusseldorf est sans conteste la grande exposition intitulée MUSÉUM DER OBSESSIONEN qui a lieu du 13 octobre2018 au 20 janvier 2019 à la DÜSSELDORFER KUNSTHALLE. 
L’exposition a été organisée par le Getty Research Institute de Los Angeles en coopération avec la Kunsthalle Düsseldorf. Organisé par Glenn Phillips et Philipp Kaiser en collaboration avec Doris Chon et Pietro Rigolo.

“Harald Szeemann - Le Musée des Obsessions de Harald 
HARALD SZEEMANN À LA KUNSTHALLE DE DÜSSELDORF
Szeemann (1933-2005.
Harald Szeemann a toujours été un fervent partisan de l’art conceptuel et du post-minimalisme dans son travail de conservateur. De même, son nom représente une pratique orientée vers le monde entier. En étroite coopération avec les artistes de l’intérieur et sur la base d’une large compréhension de la culture moderne et contemporaine, Szeemann a développé de nouvelles formes de réalisation d’exposition. Ses expositions ont touché et interrogé les narrateurs traditionnels de l’histoire de l’art. Sa vaste bibliothèque et ses archives de recherche, situées dans la Fabbrica Rosa à Tegna, dans le Tessin, ont baptisé Szeemann son musée des obsessions. “Ce musée comprenait non seulement les archives physiques, mais aussi une expression d’un sens artistique accru. L’exposition est divisée en sections thématiques. Avantgarden est dédié aux premières expositions de Szeemann et à son engagement envers les pionniers de l’art des années 1960 et du début des années 1970 - une trilogie d’expositions organisées par Szeemann dans les années 1970 et 1980 et avec lequel il explore l’histoire de la modernité comme l’histoire du mysticisme alternatif.” - Katalog.

KHALID NAZROO ~/?x=entry:entry180913-125054 2018-09-13T12:50:54+00:00 2018-09-13T12:50:54+00:00

IMG_0636.jpgIMG_0719.jpgIMG_0717.jpgIMG_0716.jpgIMG_0715.jpgIMG_0714.jpgIMG_0713.jpg

KHALID NAZROO .

DÉCOUVERTE DE LA PEINTURE
30.03.2012
Khalid a manifesté très tôt un vif intérêt pour les arts plastiques. Il a fréquenté ma classe de dessin au Collège Royal de Port-Louis pendant mon court passage de 2 ans à Maurice (69/72), et peu avant mon départ, j ́ ai eu le privilège, en tant que membre d ́ un comité de sélection du ministère de l ́ éducation, de soutenir sa postulation pour une bourse d ́ études à l ́ Académie des Beaux Arts de Paris. Quelques jours avant de m ́ expatrier, il m ́ a offert deux gouaches que je possède encore…et je suis parti sans avoir su s ́ il avait obtenu cette bourse française …
La mise en relation de mes deux gouaches avec d ́ autres oeuvres de jeunesse de ces années-là dont je n  ́ai pris connaissance que depuis peu, confirme ce que mes deux gouaches laissaient déjà pressentir, à savoir l ́ élaboration d ́ une conception picturale autonome, très aboutie et homogène révélant un imaginaire en rapport avec le Zeitgeist des années 60/70: le désenchantement post-soixante-huitard, la fébrilité de la nation naissante…
   Cette production très cohérente révèle ainsi une radiographie prégnante des états d ́ âme de la jeune génération mauricienne prise dans un étau, immobilisée par le choc de la décolonisation et des turbulences civilisationnelles du monde occidental: la lutte des droits civiques aux USA, le Vietnam, mai 68, Woodstock….
L ́analyse formelle de cette oeuvre juvénile révèlera une palette très coloriste, une planéité des surfaces colorées, l ́ absence totale du geste de peindre, les traits caractéristiques de l ́ affiche…
Les références à la réalité se confondant dans l ́ espace/l ́événement pictural… une conception planéiforme et cartographique/cadastrale du paysage (rappelant Miro)… Symbolique des signes : filet, moucharabié, pictogramme cartographique… Puzzle, ouverture/oppression carcérale.
L ́Académie des Beaux Arts, Paris …et séjour de 8 ans en Europe
Cette propension à visualiser une conscience, voire prescience des grands bouleversements de son temps et à privilégier dans la pratique de l ́art un contenu extra-pictural - l ́ énonciation d ́un narratif se rapportant au temps - disparaîtra définitivement de son oeuvre à partir de son entrée à l  ́Académie des beaux arts à Paris, pour se plier d ́ abord à l ́ apprentissage et à l ́ exploration des conventions académiques et se pencher ensuite vers un genre d ́ ascétisme intemporel dont il ne s ́ en départira plus.
Ces 4 tableaux documentent cette période d ́ expérimentation avec divers modes de représentation picturale.
Ce bascule vers une peinture qui s ́ affranchit peu à peu de l ́ emprise de l ́art occidental l ́ orientera simultanément vers une conception auto-référentielle de la peinture, dans l ́ esprit de l ́art moderne du siècle dernier que l ́on désigne en histoire de l ́art comme“l ́art moderne classique“.
Sans tomber dans le formalisme , le projet esthétique de Khalid se résume désormais à cette maxime : l ́art prend l ́art comme outil conceptuel pour explorer l ́universel, à l ́ instar de certains dissidents contemporains de l ́art conceptuel. Khalid affirme cette intentionnalité lors d ́ un récent entretien sur internet (4.01.2018), et reconnait s ́ inspirer de la philosophie de l ́art de Alan Davie: peintre écossais qui puise son répertoire pictural de l ́imaginaire symbolique des arts indigènes, (mais on cherchera en vain le moindre indice formel de cette influence dans l ́oeuvre de Khalid)… Au cours de ses pérégrinations dans divers univers culturels: les pays de l ́union européenne, le Magreb, les USA, le Mexique, l ́Inde, l ́Australie, l ́Arabie Saoudite, etc. Khalid rapporte une moisson de traces symboliques et d ́ attitudes intellectuelles et spirituelles: bref, les composantes d ́ une oeuvre susceptible à nous rappeler la richesse de notre propre patri- moine culturel en déshérence et à la merci de nos ethno-démagogues qui attisent des identités meurtrières(A. Maalouf) et des futurologues de tout poil qui s ́ ingénient à imposer le concept d ́un “DEMAIN“ hyper-branché et amnésique (smart cities) faisant table rase d ́HIER…
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30.03.2012)

L ́ATELIER DU PEINTRE

L ́inviolabilité de l ́oeuvre d ́art
Ma première visite dans l ́atelier de Khalid en 2012 n ́a pas eu lieu sous d ́ heureux auspices, dirons nous. Quoique annoncée, notre intrusion dans son espace de travail avait alors l ́air de le prendre au dépourvu et l ́ incidence mérite d ́ être racontée car elle met en lumière les rapports de l ́ artiste avec la création. Étions-nous en avance, ou était-il en retard, je ne me rappelle plus…il était de toute évidence stressé par l ́imminence de sa retrospective au centre culturel francais…

Tel un bouclier, un rempart s ́ élevant contre les glissements de paradigmes, le monumental chevalet qui domine le grand espace séjour/atelier semblait célébrer une conception de l ́art pictural en péril. Désormais un peu obsolète dans l ́ univers de travail du plasticien contemporain cet impressionnant équipement d ́ atelier trônant au beau milieu d ́ un mobilier de living-room vaguement art-déco rappelle un peu cet instrument de travail théâtralement mise en scène dans certains tableaux de maître. On pense d’emblée à Las Meninas de Velasquez où l ́irruption d ́un immense tableau au chevalet préfigurant l  ́événement pictural. On pense à“l ́ Atelier“ de Courbet, toile de 358/598 cm au Louvre, qui est une allégorie moderne de la peinture (autour du chevalet), aux autoportraits de Cézanne devant son chevalet , les van Gogh et l ́ on pourrait citer une foule d ́ autres exemples. Le chevalet-fétiche ! Le critique américain Clément Greenberg ne fait-il pas fausse route en interprétant le bannissement de ce mobilier iconique de l ́ atelier comme geste fondateur de l ́ avant-garde. Et diverses avant-gardes n ́ont-ils pas par la suite régulièrement prétendu rompre avec la contrainte du tableau dit”de chevalet“? (Easel-picture), un de ces concepts-clé inédits que Greenberg invente, et qui fait mouche dans la terminologie du modernisme américain, symbolise la rupture de la scène artistique New-Yorkaise (Pollock et co) par rapport à l ́art européen. L`Action Painting, dont il est le défenseur, a-t-elle vraiment signifié une dévalorisation de la peinture de chevalet? Loin de là, la“Easel Picture“ne s ́est jamais porté aussi bien. Alléluia ! Vive la peinture de chevalet, semble proclamer ici ce rituel mobilier de peintre au beau milieu de l ́ espace de création de Nazroo…
L ́ accueil est d ́abord un peu froid dans cet atelier où tout est bien rangé, sans les moindres indices d ́une activité créatrice tant soit peu incontrôlée, sans une seule trace qui trahirait la gestualité évidente de certaines œuvres, surtout de celles-là apparemment récentes où le geste spontané est visiblement conçu comme système de signification. Ces quelques tableaux et quelques anciens accrochés au mur sont les seuls travaux que le maître nous autorise à visionner. Un certain nombre de tableaux est soigneusement empaqueté et rangé dans un coin de l ́atelier. L ́essentiel de la production du peintre, nous apprends-on, se trouverait dans les locaux de L ́Institut Français où se prépare une grande rétrospective.
Pendant une courte absence du maître de la pièce, Pierre, le photographe et son assistant (des professionnels qui ont la routine du maniement du travail pictural) sans être conscient que leur geste pourrait être interprété comme une sorte de violation, de profanation, de sacrilège, se sont enhardie à déplacer des tableaux pour mieux les voir…car ils étaient là dans le but de prendre des photos, n ́est-ce pas ?
La réaction de notre hôte de retour dans la pièce a été d ́une telle violence qu ́on a préféré interrompre notre entreprise et prendre d ́autres dispositions. On saura désormais que l ́oeuvre de création de Khalid est sacrée…C ́est réconfortant de se rappeler le caractère sacré et inviolable de l ́oeuvre de création á une époque où l ́on saccage impunément des monuments du patrimoine culturel et la population entière, impuissante, assiste en direct au crime (culturel) dans les médias et dans les réseaux sociaux…
Notre conversation s ́effectuera enfin à huis clos dans le calme de la résidence secondaire de khalid, à Albion…. presque deux heures d ́entretien, sans manipulations impies de l ́oeuvre du maître…

INSULARITÉ
Serge Gérard Selvon - Penses-tu que l ́insularité est une circonstance qui déter- mine notre vision du monde ?
Khalid Nazroo - Le problème ce n ́est pas l ́insularité en soi. Le problème c ́est ce qu ́on fait dans cet espace. Peut-être que je fais référence à ce manque d ́in- stitution… manque de planification de la culture …
S.G.S. - on abordera plus tard ce sujet…
K.N. …Moi, j ́avais adopté et j ́adopte toujours cette formule de pouvoir travailler ici, donc, d ́avoir cette base ici, et de pouvoir aller montrer ce que je fais ailleurs et de repartir ailleurs. J ́ai vécu huit ans en France. Je dois dire que depuis que je suis rentré ici…
S.G.S. - … tu as eu du mal à t ́adapter…
K.N. - Moi, je n ́ai jamais eu beaucoup de succès auprès des Mauriciens. Au- jourd ́hui après toutes ces années, tu vois, je suis toujours celui qui est le plus discret. Donc, cette insularité m ́a servi dans mon travail. Je me suis installé ici, j ́ai fait mon atelier ici, et bien sur qu ́il faut vendre…j ́ai toujours vendu aux étrangers..Ça, c ́est la première chose.
Je suis parti faire des études grâce à une bourse française… Quand je su- is revenu ici, j ́ai été employé au Lycée Labourdonnais. Ensuite, ça a été le Cen- tre Culturel Charles Baudelaire, etc, etc,. J ́ai aussi travaillé dans de différents circuits. J ́ai travaillé avec des Sud-africains, par exemple. J ́ai travaillé avec Ma- rylin Martin du Cape Town Museum of Art, tu vois. J ́ai aussi travaillé avec des Australiens, avec des Indiens, avec des Macédoniens, qui sont des amis. Tu vois, ce qui fait que, quand on dit insularité, soit qu ́on définit l ́insularité comme étant une prison, où l ́espace est réduit…Moi, j ́ai toujours pensé que Maurice, c ́est quand même cette plateforme, qui est au carrefour de l ́Afrique, de L ́in- de…

S.G.S. - Est-ce une occurrence qui singularise notre créativité ? Est-ce qu ́on peut par exemple considérer l ́insularité comme une modalité de ta création ?
K.N. - Cela se voit dans certains travaux, dans certaines périodes de travail. Sur le long terme effectivement, on stagne, on se renouvelle, peut-être qu ́on recule quelquefois pour mieux reprendre son élan. Il y a toujours des possibilités d ́ex- pression. C ́est toujours cyclique, d ́une certaine manière, dans mon travail… Moi, je n ́ai jamais pris part à des expositions, simplement du fait que j ́étais issu de Maurice. J ́étais choisi, peut-être parce que mon travail avait plu au commis- saire.
S.G.S. - Donc, si je t ́ai bien compris, l ́insularité, c ́est un phénomène qui n ́a pas affecté ton travail outre mesure. Mais pour les autres, pour les gens de l ́extéri- eur, le fait d ́habiter à Maurice, de créer à Maurice, signifie que nous appar- tenons culturellement à la périphérie. Bien sur, c ́est très péjoratif, on est régio- nal, loin des grands centres…
K.N. -Mais moi, j ́ai vécu dans un grand centre. Moi, je vais souvent dans les grands centres. Le processus est le même, que tu sois à Maurice ou dans un grand centre. Il faut que le travail résiste à l ́analyse. Il faut que tu trouves ta voie. Moi, je trouve que, trouver sa voie, cela demande du temps. Cela demande une application de tous les jours.
S.G.S. - Donc, si je te comprends bien jusque-là, et cela confirme une réflexion critique sur l ́ensemble de ton travail (vu partiellement chez toi en original et par média interposé sur ton site) les contingences spatio-temporelles n ́ont aucun im- pact sur ton œuvre. C ́est une particularité qu ́on retrouve chez d ́autres plastici- ens de l ́île (le caractère intemporel de l ́oeuvre de Nagalingum, par exemple). Mais les sociologues de l ́art attachent beaucoup d ́importance au contexte géo- graphique, historique, idéologique de la création artistique. Ton œuvre semble être réfractaire à ce processus de contextualisation. Qu ́est-ce que tu en penses ?

K.N. - C ́est pas que le contexte ne joue pas un rôle..mais je pense que le fait de pouvoir vivre à Maurice m ́apporte beaucoup de choses… Mais d ́un autre côté, je n ́ai jamais pu vivre de mon travail de création. C ́est très difficile de vivre de son travail, que ce soit à Paris ou à Maurice ou à Londres…
.S.G.S. - Mais il y a quand même quelques artistes mauriciens qui vivent très bi- en de leur travail ici. Alors là, je voudrais savoir…
K.N. - Alors là, il ne faut pas faire l ́amalgame, je te dis franchement. Je n ́aime pas beaucoup ce que font les Mauriciens. Franchement, j ́ai souvent pensé à ça, je n ́aime pas beaucoup ce qu ́ils font, ce que les artistes-peintres Mauriciens font, je n ́aime pas beaucoup, je ne sais pas pourquoi… après tant d ́années je suis arrivé à… je préfère te citer des noms étrangers …je me sens plus proche, plus familier, avec des étrangers… si tu devais me demander le nom d ́un peintre mauricien, je te citerais peut-être Malcolm de Chazal, qui est mort, qui était naïf, qui a commencé à peindre à l ́âge de 60 ans, etc., etc.. Et s ́il s ́agit de contempo- rains, je n ́aime pas ce qu ́ils font. Je vais te dire pourquoi, je n ́aime pas ce qu ́ils font. Je n ́aime pas beaucoup les gens qui pompent (grand éclat de rire). Je n ́ai- me pas beaucoup les gens qui sont là, sur une petite île, et qui veulent faire du New-yorkais, qui veulent faire de l ́Australien, qui veulent être…tu vois …contem- porain comme on peut l ́être en France en 2012, en 2011… Tu vois ce que je
veux dire…la problématique n ́est pas la même.
S.G.S. -Cela ne me gène pas de penser un peu New-yorkais ou un peu Australi- en. Ne crois-tu pas que ce mimétisme, qui te gène tant, est une façon de tran- scender l ́enfermement de l ́insularité ?
D ́un autre côté on peut aussi penser que l ́insularité nous a enrichi culturellement…Ne crois-tu pas que notre insularité a en quelque sorte relativi- sée nos frontières culturelles, favorisant ainsi des compétences interculturelles ?
K.N. - Le problème, c ́est que, quand on te parle de culture ici, on pense en ter- me de tradition ancestrale, qui a à faire avec des rituels et des pratiques religieu- ses. On ne parle pas de culture laïque. Ça c ́est rare de pouvoir parler de culture sans coloration religieuse etc. …Ensuite il y a chez nous un genre d ́auto-censu- re, qui est très généralisé. Il y a des choses que tu ne peux pas dire ici. Il y a des non-dits, qui sont compris par toutes les communautés. Il y a aussi ce ter- me que je n ́aime pas beaucoup : tolérance ! Quand on te dit : je tolère, je suis tolérant, c ́est de l ́auto-censure…
S.G.S. - Mais c ́est parfois nécessaire, l ́auto-censure, n ́est-ce pas ? 
K.N. - Non, mais cela va à rebours également, parce que souvent il y a des cho- ses qui doivent être dites, mais qu ́on ne dit pas pour pouvoir aller plus loin. Ce qui fait que, si on parle d ́art, ici, à Maurice, ça a une pure fonction décorative. L ́art n ́est jamais subversif, n ́est jamais politique. Ils disent qu ́ils veulent faire dans le social, mais c ́est toujours fait à la légère. Il n ́y a pas de réelle implicati- on. C ́est ce que moi je ressent. L ́art est fait par des bourgeois, pour des bour- geois.
.S.G.S. - Revenons à notre problème : l ́ínsularité. Qu ́est-ce que tu penses de l ́insularité par rapport à la mondialisation ? Au-delà de nos plages, il y a un mon- de qui bouge. Tu m ́as fait visiter aujourd ́hui ces centres commerciaux ultramo- dernes… Après ma longue absence de la réalité insulaire, j ́ai visuellement l ́im- pression qu ́on est entré de plain-pied dans la mondialisation, du moins dans ces endroits un peu vitrine d ́une certaine conception du progrès … Les plastici- ens emboîtent-ils le pas de cette idéologie ?
K.N. - Ils aimeraient bien emboîter le pas. Tu vois bien ce que je veux dire, ils veulent bien bénéficier d ́un certain soutien, pour montrer ce qu ́ils font. Et dans de bonnes conditions, parce que il y a eu très peu de cas où l ́on a été , disons, encadré de manière professionnelle, pour pouvoir faire un travail intéressant. Malheureusement c ́est le triomphe de l ́amateurisme déguisé en professionnalis- me… Ensuite il y a ces prophètes de malheur, tous ces gens qui nous viennent de l ́ on ne sait d ́où, parce que ils ont une hypothétique compétence - je ne veux pas citer de noms, là, dans ton interview - et qui croient qu ́ils sont des ex- perts. Mais ils ne sont rien du tout. Tu veux que je te dise pourquoi qu ́ils sont ri- en du tout? Peut-être que moi j ́ai eu l ́expérience de voir comment cela se pas- se dans les grands centres… Quant à la colonisation et la postcolonisation, etc…
S.G.S. Allons-y, puisque tu es pressé d ́en parler…
K.N. - Prenons les aborigènes de l ́Australie ; Moi, je suis allé en Australie, et j ́ai vu comment ils exploitent les aborigènes. J ́ai rencontré une dame, qui avait une galerie à Sydney. Elle avait de gros diamants aux doigts et elle m ́a dit, puisque vous êtes peintre, venez, je vais vous montrer ce que j ́ai dans ma réserve. Et c ́est ainsi que moi, j ́ai pu voir les premières toiles aborigènes authentiques réali- sées dans le Outback. Des oeuvres réalisées avec le sable dans le désert, avec

 les pipis de chat, les pipis de chiens, les cacas d ́oiseaux et tout le folklore….Elle me dit, vous savez, j ́achète ça pour 15 dollars et je les revends á 40,000. J ́avais tout compris. Le pauvre aborigène d ́Australie, ou l ́indien dans sa réserve Nava- jo ou le Brésilien d ́Amazonie, ou le Rodriguais, dont on a vu le travail au- jourd ́hui… ils attendent tous le Messie… Ils attendent tous le marchand/galéris- te/spéculateur qui va les découvrir. Le Rodriguais attend de pied ferme celui qui va le faire devenir le Picasso de l ́océan indien. Tu vois ce que je veux dire, c ́est partout comme ça. Ça, c ́est le revers de la mondialisation. Si mondialisation veut dire : continuer à exploiter les ethnies, continuer à trouver de la valeur, même si c ́est pas très bon ce que font les gens, simplement du fait qu ́on soit Mauricien, Rodriguais, Comorien, je ne sais quoi , c ́est pas très intéressant . Pas qu ́il n ́y ait pas de bons artistes-peintres mauricien, comorien ou malgache, mais qu ́on puisse garder nos caractéristiques. Quelles sont ces caractéristi- ques ? C ́est de pouvoir parler de problèmes d ́ici, des Comores, de Rodrigues, etc… C ́est là que l ́art contemporain entre en jeu ; tu es d ́accord avec moi? Mais pas aller pomper dans les magazines et faire du Christo, du Catalan et du Koons, parce que là-bas on fait comme ça. Là, je ne suis pas d ́accord. Je préfère être comme je suis, ne pas faire d ́installation, ne pas faire de vidéo. Et pourtant, j ́ai fait un tas de choses, quand j ́étais en France. J ́ai même déjà joué dans des groupes, donné des concerts, enregistré un disque, j ́ai fait des films et tout ça..Et puis j ́ai du, comme on dit en anglais, „focus“, éliminer tout ce qui é- tait superficiel pour moi. Tu verras, il y a beaucoup de nos compatriotes qui font des installations, des bandes-vidéos, etc., ils se cherchent toujours. Ils se cher- chent encore. Moi, j ́ai 58 ans, je peins autant qu ́à 5 ans, peut-être que je suis vieux-jeu, peut-être que la peinture n ́a plus la place qu ́elle devrait avoir… je m ́en fout. Je fais ma peinture. On m ́invite. J ́expose, j ́ai pris part à de très gran- des expositions. Ça, je peux te le dire, que je suis peut-être le seul Mauricien à faire ça… j ́ai déjà exposé á côté de célébrités Américaines…Je t ́assure … Une fois j ́ai montré á Nirveda un catalogue … elle me dit , ah, vous avez été avec … Je lui ai dit: c ́est parce que tu n ́es pas au courant que tu ne sais pas. Parce que moi, je ne cours pas après les journalistes… ce qu ́ils mettent dans l ́express ou dans le Mauricien, je m ́en tape..

 Tiens, laisse moi te montrer. Regarde ce tableau. Je suis allé en Arabie. Ce qui m ́avait intéressé là-bas, ce sont des choses auxquelles des mauriciens parfois musulmans ne s ́ intéresseraient jamais. Ils vont là-bas simplement pour le rituel. Ils ne vont pas pour regarder l ́ architecture, pour voir les vitraux, pour voir les traces de civilisations disparues maintenant…Quand je suis allé là-bas, je me suis mis à dessiner, à prendre des photos, etc., Pendant tout le séjour, j ́ai fais des choses, et puis, quand je suis rentré ici, on m ́a invité, ils ont tout payé - une immense exposition. Là bas, j ́avais appelé ça :“Voyage au coeur de l ́islam“. Ça a fait beaucoup de bruit. Tu sais, à cette époque, Alain voulait m ́interviewer pour me demander : „ Qu ́est-ce que l ́Islam a à faire avec ta pratique ? “ . Je lui ai dit que ça, c ́est une période de mon travail, comme j ́étais dans un autre pays, et puis c ́est terminé. J  ́ai donc fait cette exposition, mais elle ne s ́est pas arrêtée là. Des gens de la Réunion m ́ont invité… il y avait plus de 250 affiches dans l ́île…Ils m ́ont invité pour le centenaire de leur Mosquée.
S.G.S. - Mais là je dois t ́ interrompre. Tu ne réponds pas á ma question…
K.N. - Non, non , je vais répondre à ta question…
Est-ce que je suis Arabe ? Non, je ne suis pas Arabe. Mes ancêtres sont venus de l ́Inde. D ́accord ? Il se trouve qu ́ils étaient musulmans. Donc je suis musulman parce que je suis né dans une famille musulmane. Le problème c ́est que je suis allé à l ́école. J ́ai appris le français, l ́anglais. Ensuite je suis allé en France, et j ́ai appris un peu d ́espagnol…quelques mots d ́allemand, quelques mots de japonais (ils étaient nombreux dans notre atelier) et il y a le créole qui est ma langue maternelle…,un peu d ́ Urdu et un peu d ́Arabe coranique… Tu ne peux pas dire que la culture d ́origine est toujours intacte. Personne dans ce pays ne peut dire qu ́il est à cent pour cent indien, chinois ou musulman d ́origi- ne arabe… on n ́est pas arabe, première chose, mais d ́origine indienne. Déjà l ́Is- lam quand c ́est arrivé en Inde, c ́était dilué, les pratiques, etc., …
S.G.S. - Voilà, pour faire bref, c ́est ce que je voulais savoir. Est-ce que tu crois que tu as une sensibilité pluriculturelle ?
K.N. - Absolument ! Complètement. Parce que, comme je te disais, cette espèce de melting-pot s ́est fait.

 S.G.S. - Prenons par exemple ce tableau. On ne peux pas dire que ce soit essen- tiellement musulman ou indien, oriental ou occidental.
K.N. Ça n ́a rien á voir avec …
S.G.S. - Les signes que tu as employés sont des archétypes et traversent les frontières culturelles. Des symboles universels qui appartiennent à notre incon- scient collectif. Des signes qu ́on associe au sacré …
K.N. - Sans ma culture, sans mon éducation européenne, française, le résultat serait différent. Moi, j ́ai fait les beaux-arts … Là, il y a des pochoirs, ces effets dans ce tableau…Il y a une sensibilité … Tu ne verras pas ça la-bas…
S.G.S. -Les références sont spirituelles et pas rituelles…
K.N. Tu sais, il y a une façon d ́employer la forme et d ́utiliser la couleur, une fa- çon d ́utiliser les motifs, une façon de faire la composition qui n ́est pas du tout dans les stéréotypes…
S.G.S. - Je vois des références à plusieurs aires culturelles - islamiques, védi- que, gothique, nordique, etc, . Dans ton contexte pictural tu proposes en fait une diversité de lectures transculturelles. La confluence de formes épurées sym- bolisent l ́enceinte sacrée. C ́est évident. L ́économie de moyens employés semble désincarner l ́ architecture et n ́en laisser que des signes qui expriment la spiritualité.
K.N. - D ́ailleurs je ne lis pas l ́arabe. Tu sais, quand j ́ai fait mon exposition, j ́ai demandé à ma femme, qui est beaucoup plus cultivée que moi sur le plan de la religion, etc., comment on écrit Khalid Nazroo en arabe ? Alors, donc, elle m ́a appris, et je signe désormais Khalid en arabe…
S.G.S. - Si dans l ́exploration du sens, on considère un tableau comme un système de signes, selon la sémiotique picturale, le contenu est chez toi ouvert à une multitudes d ́interprétations plausibles, car les unités visuelles qui constitu- ent tes oeuvres sont souvent polysémiques.

 K.N. - Regarde ce tableau. On revient de Cascavelle. Ce tableau, c ́est ma femme qui l ́a choisi. Elle m ́a dit, ça, tu sais, ça a quelque chose de l ́architectu- re créole…et elle m ́a dit, on va l ́accrocher dans notre maison secondaire…
S.G.S, - Bon, pour continuer notre conversation, et je fais un p ́tit peu la syn- thèse; alors, si je t ́ai bien compris, les formes d ́acculturation dans les différents groupes culturels formant notre pays pendant la longue période coloniale a aus- si été un processus de permutation et de fécondation…
K.N. - Absolument, un enrichissement, à certains égards…
S.G.S. - Tu sais, toi, tu vis beaucoup ici. Moi j ́ai beaucoup de recul par rapport à la réalité quotidienne d ́ici… Depuis quelques temps j ́ai un jugement plutôt posi- tif de mon pays natal. Je trouve que nous avons des facultés transculturelles qui sont très valorisées ailleurs, le phénomène de la mondialisation oblige, mais hélas sous-estimées ici. Ailleurs, des professionnels de tous bords vont appren- dre à grands frais dans des colloques hyper-ciblés comment gérer l ́altérité et comment respecter les codes culturels dans les relations internationales. Ce défi- cit et cette demande de compétence transculturelle font ailleurs les choux gras de „ faiseurs “de bestseller à la Clotaire Rapaille, plus expert en étude de mar- ché qu ́anthropologue … J ́ai lu le très controversé „The Culture Code „.
Mais, bon sang, cette compétence est innée chez nous. Le voisinage de l ́église, de la mosquée, du temple hindou et de la pagode est un spectacle tout à fait normal chez nous, n ́est-ce pas ?…
K.N. - Par ce qu ́il y a également une raison à ça. Si on parle des colonisa- teurs… parmi les colonisateurs, tu as les défenseurs de l ́assimilation, les Français ont toujours favorisé l ́assimilation. Les Anglais ont toujours „divide and rule“, diviser pour régner… Tu vois, nous avons connus les deux…
Cette histoire de voile, c ́est à cause de la révolution iranienne. Je peux te dire quelque chose, Serge, quand je suis revenu à Maurice en 82, je n ́avais pas prati- qué pendant plusieurs années. D ́accord ? Je me suis conformé…je suis allé voir ce qui se passe ailleurs… J ́ai vu une diversité de pratique chez les musulmans… il y a quelque chose qui me choque jusqu ́à maintenant,et j ́en ai parlé à ma

 femme, c ́est le port du tschador, burka, et tout le bazar…Ma mère, musulmane, n ́a jamais porté ça,…Quand tu vas à Beau-Bassin et que tu vois les jeunes avec ces tenues, des lunettes noires, des gants noirs , et tout le reste, c ́est halluci- nant ! Quand je suis arrivé au MAI et qu ́on m ́a prié de faire un cours aux profs de Urdu, Arabe, Hindi et de Tamoul, etc. , et que je vais à Beau-Bassin en jeans, avec les cheveux longs, je portais la barbe, je portais même des chaussures rouges… et que je vais dans la salle, où était rassemblé une cinquantaine de per- sonnes, en majorité des profs de Urdu, des femmes avec des visières… j ́avais trouvé ça très difficile de parler d ́art dans de telles conditions…
S.G.S. - Dans les pays du Golfe ils sont différents… c ́est peut-être là que va se décliner l ́art du XXIe siècle…
K.N. - On ne peut pas comparer les pays du Golfe et l ́Arabie Saoudite…
S,G.S. - Je dois t ́interrompre. Avec tes monologues fleuve, je risque d ́oublier la question, voilà, nous avons deux compatriotes qui dans le débat d ́idées autour de notre identité et de nos particularités culturelles soutiennent des thèses origi- nales qui ont l ́air d ́animer la création…Pendant la longue période coloniale il y a eu des formes d ́acculturation dans les différents groupes culturels formant notre pays. On a déjà abordé le sujet au cours de notre conversation. Et notre compat- riote Torabully emploie les métaphores“corail “et“rhizome “ pour caractériser ce phénomène culturel. Qu ́est-ce que tu en penses ?
K.N. - Je préfère quand même l ́original. Senghor et sa Négritude. Parce que Torabully, moi je le connais. Je l ́ai rencontré, etc. … Il ne s ́intéresse qu ́à lui-même. C ́est du nombrilisme…
S.G.S. - Ah bon. Je ne le connais pas…
K.N. - Il vit dans l ́ombre de Malcolm de Chazal…
S.G.S. - Vraiment ? Comment ça ?
K.N. - Je t ́assure. Moi, on m ́avait invité au „Blue Penny“… J ́avais fait une expo dont j ́avais le concept. Je te montrerai le catalogue, quand tu viendras à la mai- son : „ Nous sommes tous des suiveurs de Malcolm. “

 S.G.S. - Ah bon ! Il a écrit ça ?
K.N. - Moi, j ́ai fait une expo. J ́ai invité Nirmal. Il a fait une installation. Luchoo- man avait fait une bande-vidéo. J ́ai fait exposer Joghoo de Londres. Et d ́autres peintres, et tout. Et on a fait un catalogue. Et j ́ai fait payer ces gens-là, c ́est la première fois qu ́on fait ça. Parce que, à l ́époque on avait le Mauritian Cultural Centre. Parce que le MMM était encore au pouvoir. Ils m ́avaient demandé, par- ce que j ́étais le délégué des arts plastiques. Alors, moi, j ́ai fait cette expo, et Khal Torabully, lui, avait fait un autre truc… On s ́est croisé sans se dire bonjour. Moi, je m ́en fout. Il est comme ça…Imbue de lui-même… Il veut à tout prix arri- ver … À la différence je te dirais d ́un Leclézio…
S.G.S. - Comment ? Le Nobelisé ?
K.N. - Leclézio ! Qui est très humble. Lui, c ́est un grand bonhomme ! Il est très proche des Asgarally.
S.G.S. - J ́ai encore deux questions à te poser, mais là il faut vraiment me laisser terminer la question…ton opinion m ́intéresse beaucoup… Voilà, on essaie d ́insti- tutionnaliser l ́art, et ce serait peut-être pas si mal comme idée. La promotion d ́u- ne activité muséographique de standard occidental valoriserait-elle ces compé- tences interculturelles dont on parlait tout à l ́heure, donnant ainsi à la création mauricienne l ́opportunité d ́exploiter nos particularismes sur la scène de l ́art contemporain international ?
K.N. - La création d ́un musée serait une bonne chose. Mais le problème c ́est qu ́ il n ́ y a pas eu de traces…
S.G.S. - Le peu de traces qu ́on a, on pourrait les conserver…
K.N. - Il faut d ́abord qu ́on essaie de récupérer les traces… ça voudra dire qu ́il y a eu des créateurs ici… Pas nécessairement des objets d ́art dans le sens… des objets culturels, disons… Mais là, il faudra un travail en profondeur… définir les choses exposables…il faudra le travail de spécialistes… Est-ce qu ́on a des spécialistes ?
S.G.s. - S ́il n ́y en a pas, il faudra les former. 

K.N. - Ça a toujours été le grand débat. Là, ce qu ́íls veulent faire c ́est de récu- pérer ce vieux bâtiment. Mais là, on parle de montrer les objets du 17e 18e 19e. 

                               25.06.2018

        L ́ atelier/L ́ oeuvre/Le rapport temps

S.G.S. - tu es très prolifique…pour ne pas me perdre dans ton oeuvre je t ́ai prié d ́esquisser en grandes lignes une classification chronologique, dans le sens d ́un catalogue raisonné… car tu dates rarement tes tableaux…tu ne l ́as pas fait… on va essayer d ́en connaitre les raisons…
K.N. - Je vais t ́expliquer pourquoi…tout d ́abord je tolère difficilement le travail des autres dans mon atelier…sauf cette gravure de cet artiste indien acquis il y a des lustres… Dans mon atelier tu trouveras pèle mèle, toutes periodes confon- dues, un choix arbitraire de tableaux que je place volontairement au mur parce que cela me permets des fois en les passant en revue, quand je me reveille par- fois la nuit, d ́y redécouvrir des idées que je reprends… des idees d ́il y a une
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vingtaine d ́années. Forcement il y a des pièces manquantes….des pièces anci- ennes que je ne possède plus…et aussi des pièces qui gênainent…“cette croute a été trop longtemps à cet endroit…“réprouve parfois ma femme… et elle a rai- son, et on remplace par du nouveau….
S.G.S. - peut-on imaginer une chronologie qui documente les étapes de ton parcours? Est-ce qu ́on peut penser à un cheminement chronologique de ton tra- vail?Est-il possible de periodiser ton oeuvre? À en juger par la similitude formelle de certains travaux produits à de differentes periodes on serait tenté d ́en dédui- re que tu fais du sur place…

Tu ne tolères pas une chronologie de tes oeuvres dans ton atelier On voit ici au mur des oeuvres volontairement achronologiques. Des pieces susceptibles de faire avancer ton travail, soit, mais n ́est-ce pas là aussi une facon de brouiller les pistes et d ́effacer le temporel de ton oeuvre?
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ÉMILIE CAROSIN ~/?x=entry:entry180504-171513 2018-05-04T17:15:13+00:00 2018-05-04T17:15:13+00:00

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GENEVIÈVE BONIEUX ~/?x=entry:entry180504-165334 2018-05-04T16:53:34+00:00 2018-05-04T16:53:34+00:00

IMG_0848.jpgIMG_0845.jpgIMG_0846.jpgIMG_0847.jpgIMG_0844.jpgGENEVIÈVE BONIEUX
L’exposition des artistes mauriciens à la mairie du 6e , Paris, 12 avril.
À l’instar des Nabis, qui remettaient jadis cette invention chinoise de la dynastie Zhou au goût du jour et peignaient des oeuvres picturales autonomes sur des panneaux de paravents(Paul Serisier, Pierre Bonnard…) et d’autres artistes, qui depuis ont passé le flambeau jusqu’aux contemporains (Sol le Witt…) Geneviève propose un concept qui dépoussière cet art ancien, innove avec des matériaux de la technologie moderne et véhicule des contenus qui contextualisent des aspects prégnants de notre identité post coloniale.
Paravent…on pense d’emblée à barrière, séparation, isolement, limite, écran de protection, bouclier…
Le paravent n’est-il pas en soi un symbole de la persistance des innombrables cloisonnements socioculturelles qui caractérisent encore la postcolonie mauricienne?
Or ces paravents de Geneviève sont translucides…ils illusionnent l’ouverture et l’absence de barrière…et évoquent l’univers idyllique d’une insularité heureuse..
Serge Selvon. 04.05.2018.©

DIDIER WONG ~/?x=entry:entry180504-161736 2018-05-04T16:17:36+00:00 2018-05-04T16:17:36+00:00

IMG_0863.jpgIMG_0858.jpgIMG_0859.jpgIMG_0860.jpgDIDIER WONG À L´ÉXPOSITION DES ARTISTES MAURICIENS À LA MAIRIE DU 6e ARRONDISSEMENT, PARIS,12.4.2018
La série très homogène de la participation de Doc à l’expo à la mairie du 6e aurait pu aussi être sous-titrée “Hommage à Samo” tant l’appropriation assumée des codes picturaux de ce héraut du Post Punk new-yorkais est ostentatoire, jubilatoire, presque…Les tableaux exposés à cette expo révèlent la détermination de Doc à décliner à sa façon tous les gimmicks et les tags et autres procédés de propagation de signes indicatifs, identificatoires et territoriaux inventés par Samo de façon prémonitoire il y a presque 40 ans et qui nous sont désormais familiers dans le lexicographisme branché du net. Cette création du concept du prédiscours conditionné par l’urgence et l’interdit articulera ainsi dans ces années 70/80 le prototype visuel par excellence de la revendication sociale des mégapoles …une sorte de graffiti augmenté …palimpseste des fois, par manque d’espace et de support approprié…la superposition devient un processus de création…
La puissance créatrice des tags urbains de Basquiat, jeune graffeur itinérant , quoi qu’on en dise, se transposera sans encombres dans le médium conventionnel de la peinture d’atelier…et ceux qui tirent les ficelles dans le monde/marché de l’art en auront profité en un temps record…un blitz dans l’histoire de l’art récent…
La découverte et l’attrait de la subculture par les influenceurs de la culture dominante auront l’effet d’une bombe dans le monde/marché de l’art…En sociologie contemporaine, en anthropologie et dans les “cultural studies”, la subculture n’a été jusqu’alors qu’une culture revendiquée, cachée, souterraine, partagée par un groupe d’initiés, se différenciant du mainstream… Basquiat, Keith Haring et les autres vont chambouler la donne…
Et Le concept Basquiat a fait école, ce mode d’appréhender sa condition humaine dans l’environnement hostile de la mégapole s’est mondialisé. Le vocable de la subculture devient médium salvateur…
Doc, loin du pays natal, reprend à son compte la complexité de la syntaxe de Basquiat pour assoir dans ses toiles des mots clé, des slogans et des injonctions à l’adresse de ses compatriotes aux prises avec de graves remous sociétaux à l’autre bout de la planète, aux antipodes … Tous les dysfonctionnements et les malaises sociopolitiques qui déferlent la chronique dans la postcolonie (aret kokin nou laplaz, kot mo mizé, etc. ) acquièrent une empreinte linguistique dans un contexte pictural où les signes abstraits et les signes figuratifs énoncent l’engagement et la mobilisation…le message inscrit dans la trame picturale de “Aret kokin nou laplaz “a certes une signification extra-picturale (proche de l’agit-prop) pour les créolophones , mais l’ alerte ne porte en aucun cas préjudice à l’entité de l’œuvre…
Serge Selvon. 04.05.2018. ©

ARTISTES DE L´ILE MAURICE ~/?x=entry:entry180502-123113 2018-05-02T12:31:13+00:00 2018-05-02T12:31:13+00:00

Artistes de l´île Maurice
Passage en revue impromptu de l´expo à la galerie de la mairie du 6e arrondissement ce lundi 16 avril, une trentaine de minutes avant de prendre mon Thalys et rentre à Düsseldorf…de brefs commentaires qui correspondent à l´urgence de la situation…je déteste rater les trains…et on annonçait de surcroit des grèves un peu partout…

LE RUNDGANG DE L'ACADÉMIE DES BEAUX ARTS DE DÜSSELDORF ~/?x=entry:entry180205-214732 2018-02-05T21:47:32+00:00 2018-02-05T21:47:32+00:00

LE “RUNDGANG”, L’EXPO ANNUELLE DES ÉTUDIANTS DE L’ACADÉMIE DES BEAUX ARTS DE DÜSSELDORF 
      C’était le dernier jour du traditionnel “Rundgang”, l’expo annuelle des étudiants de la Kunstakademie de Düsseldorf, qui dure en principe 5 jours. Et j’ai eu par hasard la bonne idée de choisir l’heure d’ouverture, 10 h, pour ma visite. À cette heure matinale se terminait habituellement mon footing dominical sur les bords du Rhin, à cet endroit même de la Altstadt, la vieille ville, où se situait l académie. Il n’y avait pas foule devant le vénérable édifice et je suis entré sans trop prêter attention à l’important dispositif d’accueil, dont je ne comprendrai l’efficacité qu’à la sortie, après les trois heures que durera ma visite …il s’était amassé entre-temps une imposante foule qu’on ne laissait entrer qu’au compte-gouttes…et dehors sous la neige qui tombait à gros flocons patientait une queue interminable…
      Je reconnais à peine l’atelier au deuxième étage, où j’ai passé beaucoup de temps à expérimenter dans les années 60… Bizarre ! Je n’ai pris aucune photo de cet atelier… Par contre j’ai fait un tas de photos de tout ce qui se faisait ailleurs dans les autres ateliers…
       L’atelier de Gurski m’a un peu déçu…un peu terne…Si je ne m’abuse, c’était précédemment l’atelier de Lupertz…qui pérennisait le spectacle bordélique de la recherche picturale, les traces démonstratives à tout va dans l’espace de création…la théâtralité de la peinture…
       Le seul travail qui m’a vraiment interpellé est l’ installation du luxembourgeois Émile Schlesser, que je n’ai malheureusement pas pu vidéo/photographier avec mon iPhone…j’ai dû déclarer forfait après quelques tentatives… Soap-Opera s’intitule l’œuvre, qui occupe un espace un peu ingrat au dernier étage … Dans la pénombre des bulles de savon multicolores … Elles symbolisent l’éphémère, la brièveté de l’existence, etc… Et en esprit je me revoie somnolant dans la pénombre de l’amphithéâtre de la Kunstakademie des années 60 à visionner des diapositives blanc et noir de gravures baroques et à écouter la voix monotone de ce prof d’histoire de l’art dont le nom m’échappe …ce prof qui nous a bassiné pendant tout un semestre d’interminables cours sur la symbolique de la bulle de savon dans l’art baroque…
Serge.Selvon.=5.02.2018.©

EXPO/PHOTO / DÜSSELDORF/ AXEL HÜTTE ~/?x=entry:entry171231-120410 2017-12-31T12:04:10+00:00 2017-12-31T12:04:10+00:00

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AXEL HÜTTE- NIGHT AND DAY
J’ai raté le vernissage de l’expo de Axel Hütte dont le titre  ”Night and Day” , avant même de révéler le visuel me transportait déjà dans l’univers musical du jazz des années 30 ; l’ Evergreen de Cole Porter “Night and Day” et la voix des iconiques interprètes - Ella Fitzgerald, Frank Sinatra - résonnaient  en boucle dans ma tête et précédaient/parasitaient la rencontre avec le seul disciple de Bernd et Hilla Becher dont l’œuvre m’était encore moins familier. Après Andreas Gurski, Thomas Struth, Thomas Ruff et Candida Höfer, l’œuvre de Axel Hütte est à son tour présentée dans les grands espaces du Museum Kunstpalast dans le sillage d’un concept qui le rattache à la mouvance de ce qu’on désigne désormais à Düsseldorf comme la Becher Schule, l’École Becher. Bernd et Hilla Becher étaient alors à l académie de Dusseldorf incontestablement les Gourous de la photo contemporaine, à l’instar de Joseph Beuys en tant qu’embrayeur du paradigme de l’art contemporain …Époque mythique…
Le Curator, Ralph Goertz, cite dans un mini-guide un nombre de références historiques, ostensiblement assumé, me semble-t-il ; le romantisme allemand, surtout Caspar David Friedrich, de même que William Turner, semblent être volontairement des champs d’investigations esthétiques.
” Hütte’s photographs are characterized by a profound stillness, by an overwhelming sense of loneliness and the process of their creation makes considerable demands on the artist’s patience. It takes up to 40 minutes to expose his negatives to capture the artistic transfer of a subjective image on the medium. Axel Hütte works with reduction and invariably refrains from digital correction, just achieving in his jungle pictures - but also in his sensuously delicate pictures of the Rheingau cycle - the most radical form of presentation of nature. What concerns him is the appearance of reality rather than its factual state, and thus his landscape and night pictures can be interpreted and experienced as both intellectual and visual spaces.”